Introduction
Après avoir calibré les Sony 260 et 360 dans diverses salles et sur différents écrans, du microperforé standard à la toile technique pleine, nous voici face au fleuron de la gamme Sony, le 760es, sur un écran micro-tissé Ultracoustic de Xtrem Screen dans une salle dédiée.
La principale distinction de ce gros projecteur par rapport à ses petits frères est la source lumineuse laser, qui lui apporte une stabilité bien supérieure, que ce soit dans les années avec 20 000 heures annoncées, mais aussi en cours de visionnage avec un allumage rapide qui permet de bénéficier quasi instantanément de la bonne température couleur et d’un éclairement optimal, et ce durant toute la durée de votre séance. La sonde est d'ailleurs très explicite sur ce point : alors qu'avec une lampe UHP standard en mesure continue vous allez voir en permanence les valeurs bouger, avec le laser la stabilité est telle qu'on se demande même si la sonde lance à chaque seconde une nouvelle mesure (voir vidéo sur ce lien : https://youtu.be/1jbAUcwNG64).
Notre analyse de départ en sortie de carton montre une image plutôt bien réglée en mode référence, comme d'habitude chez Sony. La netteté est par contre trop poussée, ce qui nuit au naturel global. Le gamma est un peu faible également, ce qui délave un peu l'image. Après un tour global de l'optique sur les mires les plus exigeantes, des réglages de la position d'image et focus, qui est toujours aussi difficile à faire, on constate une bonne uniformité lumineuse et de mise au point.
Les convergences ne sont pas mauvaises mais perfectibles (voir photo ci-dessus), et elles nuisent toujours à l'affichage de la mire 1 pixel car il y a un pré réglage en usine qui n'est désactivable que dans le menu service (mais qui supprime toute correction). Après un réglage un peu plus fin des convergences, on décide de le conserver suite à l'amélioration des contours des détails sur notre mire référence malgré donc cette dégradation de la mire 1 pixel.
Après divers essais en comparaison de l’Oppo 203, on confie l'upscale des vidéos 1080p au Sony, qui adoucit nettement les contours et rend l'image beaucoup plus naturelle grâce au Reality Creation. Le réglage du RC est plus progressif qu'auparavant. Cependant on constate que, même désactivé, un traitement de la netteté est toujours actif. Heureusement ça ne perturbe pas les images en dehors des mires de réglages. Ici, les plus fins détails sont conservés grâce à l’utilisation d’un écran microtissé (on voit la trame de l'écran sur la photo ci-dessus) et il faut bien reconnaitre qu'avec un projecteur comme celui-là, il faut faire attention à l'écran que l'on choisit, surtout s'il est transonore. De plus, au niveau du son, cet écran est d'une transparence remarquable et c’est pour cela qu’il a été choisi au lieu d’un microperforé.
(plus d’infos ici : https://xtremscreen.com/toiles/product/406-absolute-white-0-95-super-acoustic)
La calibration
Pour commencer, un aparté sur nos sondes standards (Eye One Pro 2 + Display Pro 3) qui font un travail honorable sur les sources laser contrairement à ce qu'annoncent certains sur les forums. J'insiste sur le mot honorable, car bien entendu on obtiendra une précision supérieure avec un spectroradiomètre haute résolution, mais nous n’avons pas trouvé l'écart suffisant pour dénigrer visuellement les calibrations réalisées avec une Eye One Pro 2 en référence. On parle ici de calibration standard et non de 3Dlut, qui nécessite dans tous les cas, laser ou non, une sonde très rapide et très sensible, la sonde étant alors seule responsable de l'image obtenue. En effet, lors d’une calibration du projecteur utilisant le menu utilisateur de celui-ci, on règle à la sonde uniquement les points principaux de l’espace de couleur sur des mires qui correspondent aux réglages disponibles dans le projecteur (en gros 10 points dans l'échelle des gris + 12 points dans les couleurs). Après comparaison de collègues entre une Eye One Pro 2 et un Photo Research PR670 (résolution spectrale bien supérieure), l'écart le plus important se situe sur le blanc, qui peut ressortir un peu plus chaud qu'en réalité.
Voici un exemple d’un écart de delta E = 2 sur toute l’échelle des gris. On est environ à 6500K contre 6800K de température couleur sur l’une et l’autre image (photos issues d’un projecteur DLP à lampe UHP) :
Sans élément de comparaison, c’est assez difficile de s’en rendre compte. Et pour avoir calibré plusieurs projecteurs lasers, le résultat n’est pas délirant par rapport à une calibration faite sur un projecteur à lampe UHP : le blanc d'une scène de neige est bien blanc et l'image ne comporte aucune dominante de couleur. C’est fini les projecteurs qui teintaient leur image de vert dès qu’on élevait la température couleur. Aujourd’hui, on peut même choisir un autre point blanc que D65 sans ruiner toute l’image.
Avec une Eye One Pro 2, on est donc loin de valeurs farfelues, même si c’est toujours mieux d’avoir un blanc plus neutre avec une sonde à la résolution spectrale plus fine (le tarif de la calibration serait aussi plus élevé en conséquence). Quand on lit certains dire que ce n'est pas une calibration valide, il va falloir définir ce qui fait qu'une calibration est valide ou pas.
Voici une liste de choses qui provoquent une variation de l'image du projecteur avec un écart conséquent sur le delta E (indice qui qualifie la justesse d'une couleur ou du gamma) :
- la luminosité du projecteur
Premier critère la plupart du temps minoré, un projecteur qui ne sort pas au moins 12fL en SDR et 30fL en HDR n'obtiendra pas la validation de sa calibration auprès de THX ou ISF ! Pourtant une grande partie des projecteurs en service actuellement n'atteignent pas ces valeurs dans leurs conditions d'utilisation. Peu importe la sonde que vous utiliserez pour les régler, ils ne seront donc pas "valides" pour une calibration.
- l'espace de couleurs du projecteur
Puisqu'on parle beaucoup de HDR, il faut tout de même rappeler qu'une image HDR comporte un espace de couleurs plus grand, le BT 2020, qui est impossible à reproduire actuellement. Pas un seul projecteur ne reproduit donc toutes les couleurs d'une image HDR. On peut bien user d'artifices pour obtenir un bon équilibre des couleurs (conversion de gamut, 3Dlut etc) il n'empêche que l'image originale n'est pas parfaitement reproduite.En quoi ces calibrations seraient-elles valides au plus strict respect du terme ?
- les réflexions lumineuses
Autre point très important, en projection la moindre réflexion lumineuse d'un salon sur l'image va la modifier. En fait, la réflexion lumineuse modifie de façon importante l'équilibre de l'image en augmentant sa luminosité de façon non linéaire, faisant chuter le contraste des scènes claires, voire en modifiant la teinte : le delta E va largement dépasser la limite de 2 autorisée sur une bonne partie des images visionnées. J'ajouterais que, même en salle dédiée, lorsqu'on a un plafond assez bas en dalles acoustiques en laine de roche, ou simplement peint en noir, les réflexions lumineuses modifient l'image de façon non négligeable sur les scènes claires.
- les paramètres d'amélioration vidéo
Bon nombre de projecteurs embarquent des artifices tels que "accentuation de contraste", "brillant color", "iris automatique" etc. Et bien ces artifices sont souvent dynamiques : c'est à dire qu'ils réagissent selon un algorithme qui analyse en temps réel différentes caractéristiques de l’image affichée. Dès qu'il y a modification, ne serait-ce que d'éclairer l'image, il y a un écart conséquent sur le delta E de plusieurs centaines de couleurs. En effet, la calibration ne peut pas se faire sur une image dynamique : on ne peut pas régler une couleur qui s'affiche différemment selon le contexte.
- les retouches personnelles
Combien n'ont jamais retouché le moindre paramètre après une calibration ? Pas même un point de luminosité pour déboucher les noirs ?
En fait il faut savoir qu'il est rare qu'un point de luminosité ne modifie pas au moins 20% du spectre lumineux d'un seul coup, ce qui veut dire que le gamma est modifié, et que les couleurs les plus sombres sont éclaircies, donc que le delta E a bougé également.
Bon voilà, je pourrais citer d'autres cas qui font varier le delta E de façon suffisante pour les faire sortir des clous (certains lecteurs Blu-rays ou des écrans exotiques par exemple), mais les points énoncés sont assez explicites pour que vous compreniez mon message. Une calibration ce n'est pas qu'une sonde, c'est un ensemble complexe de paramètres et de ressentis visuels coordonnés par un opérateur pour obtenir un résultat équilibré, le plus esthétique possible aux yeux de son client et aussi fidèle que possible, toutes conditions réunies, à la source originale de l'image retranscrite.
Une calibration possède toujours une marge de tolérance par rapport à la norme.
Revenons au Sony vw760es à présent.
La calibration SDR se déroule encore plus simplement que pour les autres Sony, grâce à la stabilité du laser dont je parlais ci dessus. Vraiment un régal à régler. En sortie de carton, c’était déjà très bon au niveau de l’espace couleur, puis avec quelques réglages, on s’est retrouvé avec un gamut rec709 parfait (même si la sonde ne lit pas parfaitement le blanc, ça ne peut pas être un hasard).
A gauche, notre mesure, à droite, issu de AVSforum, l’espace de couleur mesuré par un Colorimetry Research CR250 est identique. Dommage que Mark Henninger, le testeur, n’ait pas fourni la mesure avant calibration. J’obtiens une moins bonne linéarité que lui sur l’échelle des gris avec une moyenne de 2.3 de delta E.
Dommage aussi qu’il ne fournisse pas de mesures en HDR.
Lien de l’article : https://www.avsforum.com/review-sony-vpl-vw885es-4k-laser-projector/
Le gamma était un peu faible en sortie de carton, le rehausser tout en restant linéaire permet de donner de la profondeur à l’image sans non plus boucher les noirs ou brûler les blancs (ils sont systématiquement contrôlés à l’œil sur des mires précises dans les extrêmes puis sur extraits de films).
En HDR, la gestion du gamma automatique (entendez EOTF) est bien meilleure sur le 760es que sur les autres modèles avec une courbe vraiment proche de la référence une fois les bons réglages effectués.
En dehors du manque de luminosité inhérent à bon nombre de projecteurs pour atteindre la norme HDR10 sur une grande base d'écran, le seul défaut du Sony vient de son gamut trop étroit pour prétendre couvrir correctement le rec2020. Mais mis à part le vert à 50% qui reste un peu décalé, après réglages les couleurs essentielles sont excellentes dans les limites de son espace natif pour respecter les teintes d'une image HDR.
Résultats subjectifs
Sur 3.50m de base à 3.80m de distance de visionnage, autant dire que nous étions aux premières loges pour évaluer les capacités du projecteur. Subjectivement, on obtient un résultat exceptionnel sur nos Blu-rays de référence. L’étagement de la lumière sur la scène d’introduction d’Oblivion est bien nuancé. Les rendus de matière sont naturels et convaincants sur les costumes. La précision du piqué est excellente sur les visages et les cils sont fins et précis. Le rendu reste très naturel sur le Hobbit, malgré le traitement poussé du film, la barbe de Gandalf est fine et touffue sans paraître trop « sharpée ».
Sur Prometheus, film difficile dont le noir est irrégulier, l’impression visuelle est au rendez-vous, avec un contraste saisissant lorsque les globes lumineux font leur apparition. Les teintes de peau restent bien différenciées malgré un éclairage compliqué.
Le résultat est spectaculaire de naturel et de précision, sur les meilleurs Blu-rays comme Dunkerque avec d'excellents contrastes que ce soit sur les scènes claires ou sombres grâce au mode dynamique du laser et au bon contraste ANSI. Et sur les sources moins bonnes, on ne remarque pas de baisse trop sensible de la qualité comme c’est parfois le cas sur certains projecteurs.
Autre bon point, le mode dynamique du laser est particulièrement transparent, nous n'avons pas noté d'effet de pompage lors de nos essais ou de défauts particuliers (au contraire de l’Optoma UHZ65 par exemple). Il permet d’augmenter sensiblement le noir des scènes sombres et la luminosité des scènes claires.
La fluidité est bonne aussi, dans la tradition des Sony.
Cliquez sur les images pour les voir au maximum de leur résolution (6000x4000, Sony Alpha 7). Attention à ne pas estimer la colorimétrie ou le contraste sur un screenshot, ceux-ci sont trop dépendants de votre écran. Vous pouvez juger les dégradés de couleurs, la précision de l’image, les nuances.
SDR
HDR
Enfin la précision en 4k est vraiment superbe. En fait on ne se rend pas forcément compte de la supériorité du Sony sans élément de comparaison, c'était très beau mais les images HDR issues des mires sont toujours flatteuses. C'est en comparant le screenshot du Sony avec celui réalisé il y a quelques temps à partir d’un Epson 9300 qui pourtant était déjà spectaculaire sur 4m de base qu’on se rend bien compte des différences. Vous pouvez voir sur ce lien celui de l'Epson:
C'est vraiment le naturel du Sony qui explose à l'image. Les toits sont nets précis sans être artificiels, la gestion de la luminosité et des transitions est très fine, la douceur du piqué améliore le réalisme de l'image qui se rapproche bien plus d'un cliché d'appareil photo en situation réelle que d’une image vidéo.
Pour conclure, en dehors du tarif qui ne sera pas pour toutes les bourses, ce projecteur n'a pas de réel défaut. On aurait tout de même souhaité un espace de couleur plus large en rec2020 ainsi que des convergences et un focus meilleurs mais heureusement ça ne perturbe pas trop l'image des films. A vous de juger si l’écart de tarif vaut la différence face à ses concurrents.
Kaz
PS : merci à Fred pour ta confiance et bravo à toi pour la réalisation de ta salle qui est une référence en image et en son.
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