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Réflexions sur les préamplis audio-vidéo (haut de gamme)

starring Goldmund Mimesis 32.5, StormAudio ISP Evo et Elite MK3, Anthem AVM70


L’élément moteur d’une installation Homecinéma, qui va conditionner toute la reproduction sonore, est le préampli audio-vidéo, qu’il soit un élément séparé comme ceux dont nous parlerons dans cet article ou intégré avec la partie amplification multicanaux. En partant de l’axiome que la source est en bitstream (sans perte et strictement identique à l’original donc sans influence), que les enceintes sont choisies pour convenir en diffusion et SPL nécessaire à la salle d’écoute, que les amplis sont de qualité suffisante en alimentation, tenue en puissance et courant pour ces enceintes, le seul élément qui peut réellement changer le son sera le préampli. Il va déterminer le nombre de canaux discrets possibles, le nombre d’enceintes gérées pour reproduire ces canaux (y compris les caissons de basses) et la capacité des réglages finaux qui peuvent dégrader (oui ça arrive) ou sublimer le rendu sonore.

 


Storm Audio ISP Evo vue de face
Storm Audio ISP Evo

Goldmund Mimesis 32.5 vs StormAudio ISP Evo


Voilà une confrontation peu commune entre deux produits haut de gamme, l’un jouissant de la réputation très exclusive de la marque Suisse, et l’autre étant actuellement un challenger sérieux parmi le trio de tête des meilleurs préamplis dédiés Homecinéma. Ils seront comparés dans une salle particulièrement exigeante, comptant un total de 28 canaux dont 11 caissons de basses. Le traitement de la salle a été conçu par nous-mêmes (KazCorporation), entièrement sur mesure pour pouvoir contenir la puissance de ces multiples caissons, avec une combinaison corrective avant/arrière et côté/côté permettant la réduction des résonances tout en dirigeant le mieux possible les ondes spéculaires sans les absorber pour une salle plus vivante. L’extinction du son à partir de 30Hz est d’environ 300ms pour 60dB et ce sur toute la plage du LFE. Ceci a son importance car réduit la nécessité d’utiliser des éléments actifs pour corriger la salle, même si elle reste un espace clos avec ses centaines de réflexions et non une chambre sourde qui serait insupportable pour l’oreille humaine.


Différences techniques entre les 2 préamplis haut de gamme


Goldmund dispose de plusieurs systèmes de correction et réglages brevetés et propriétaires, ici nous citerons Leonardo et Proteus, l’un est directement lié à l’enceinte de la gamme et en corrige la phase (et probablement la réponse en fréquences de certains modèles), l’autre s’occupe de l’adaptation par rapport à la salle d’écoute, notamment l’égalisation, les délais, le mixage des différents canaux etc.

Il est à noter que ce préampli est uniquement 7.1 (voire même 5.1) et ne peut décoder l’Atmos, Goldmund ayant fait le choix jusqu’à présent de ne pas ajouter la reproduction des canaux destinés aux enceintes de plafond (les nouveaux modèles décodent mais ne reproduisent pas à ma connaissance). Selon un logiciel propriétaire également, la répartition des canaux discrets se fait sur les enceintes réelles au moyen d’un calcul de délai, mixage et égalisation pour créer une bulle sonore à 360°.


De l’autre côté, le StormAudio ISP Evo est à la pointe de la technologie, avec le décodage de tous les formats : Dolby Atmos, DTS-X… et la création active de canaux supplémentaires par matriçage en temps réel (par DTS Neural X ou format sonore propriétaire quand la bande son n’est ni Atmos, ni DTS-X).

A la différence du Goldmund, il n’est lié à aucune enceinte mais propose comme lui des canaux numériques en AES (très rare) ainsi que la possibilité de gérer manuellement du filtrage actif et une large combinaison de canaux, qu’ils soient d’effets ou de basses. Il nécessite à ce niveau les meilleures compétences de la personne qui le mettra en place, car ces choix sont souvent déterminants. Pour l’égalisation, il dispose d’une complète compatibilité avec Dirac, le système de calibration automatique parmi les plus performants actuellement. Au moment de cette comparaison, le ART n’était pas encore disponible.







Forces et faiblesses préjugées VS réelles


On ne va pas y aller par 4 chemins, plusieurs choix effectués par Goldmund se sont révélés "étonnants". Le premier concerne le bass management : privilégiant la reproduction du grave des 7.0 canaux, travaillant sur les basses de ces canaux pour rendre le son des films auditivement percutants et équilibrés par rapport au médium/aigu, reléguant le LFE à la seule reproduction par les caissons d’infragrave de 10 à 30Hz, on en arrive à des résultats sonores farfelus dans certaines scènes, juste corrects dans d’autres même si très démonstratifs. Exemple, la scène de James Bond No Time to Die, avec la poursuite en voiture, le ralenti du bruit du moteur est beaucoup trop présent par rapport au choix du réalisateur (vérification par extraction bande son > lecture fichier sur logiciel analyseur de spectre). De même dans Andor, scène avec le vaisseau qui traverse la vallée, le vent génère un grave omniprésent et pénible.


L’explication est simple : vous ne pouvez pas générer +10dB de grave que le médium/aigu avec le mixage de la partie basse des canaux 7.0. Seul le LFE, Low-Frequency Effects, est capable de générer les impacts et les effets, comme son nom l’indique, dans la partie grave de la bande son du film, au bon niveau de référence car c'est ainsi que le réalisateur l'a voulu et c'est ce qui respecte le standard international. Si le grave du film est exclusivement mixé sur les canaux 7.0, ça pourrait passer (cas très rare, les concerts peut-être plus souvent) mais si le réalisateur a bien exploité son canal LFE alors le résultat est catastrophique car ces sons graves contenus dans les canaux frontaux ou d’effets ne doivent pas être autant audibles.


L’autre élément déterminant dans cette comparaison a été la gestion des effets d’ambiance. Alors que Goldmund défend la multiplication des canaux comme Graal, on s’est vite rendu compte que cela ne fonctionne que pour un point unique d’écoute. Quand le Storm arrive à créer des transitions précises et détaillées, les effets du Goldmund restent davantage localisés du côté où l’on se positionne et sans effet de profondeur avant/arrière mais aussi avec moins de richesse dans les formats sonores Dolby Atmos et DTS-X. Et ceci même sans prendre en compte les effets venant du plafond, qui renforcent encore l’enveloppement et le côté spectaculaire de certains films (Ready Player One par exemple).


On n’attendait pas grand-chose de la musicalité du Storm face à la réputation de Goldmund en Hi-Fi, et à la première calibration celui-ci paraissait criard en comparaison. Mais la recherche d’une courbe cible plus adaptée aux enceintes a largement gommé les différences au point de ne plus peser dans la balance. Les calibrations automatiques, aussi performantes soient-elles, ne peuvent être utilisées telles quelles sans remesure et correction manuelle mais elles sont d’une grande aide. Ici il a été facile de réinjecter les courbes souhaitées dans le Dirac afin de trouver à l’écoute le meilleur équilibre et se rapprochant du rendu audiophile recherché.



Comparaisons des mesures Storm et Goldmund



En bonus, vidéo d'allumage des 4 groupes de subs créées dans le bass management évolué du Storm :




Anthem AVM70+DSP vs Storm ISP Elite MK3


Notre seconde comparaison change d’espace, avec une salle un peu plus standard, de 5m de large par 8m de long et 2.50m de hauteur donc des dimensions presque similaires, disposant néanmoins de 22 canaux et toujours d’un traitement KazCorp sur mesure intégrant des murs latéraux à amortissement large bande équilibré et un système avant/arrière favorisant la propagation du front d’ondes pour se rapprocher d’un rendu le plus naturel possible.


Différences techniques entre les 2 machines

Ici la version analogique de StormAudio, le ISP Elite MK3, gère jusqu’à 24 canaux qu’ils soient au plafond, sur les côtés ou dédiés à la reproduction des basses. La gestion est similaire à la version numérique. Dans cette salle, c’est au préampli de gérer le filtrage des enceintes frontales entre leur médium/aigu et leur grave. Dans la salle précédente, ce filtrage était intégré aux enceintes. En plus de cela, on est en présence de 4 caissons de basses (2 devant + 1 de chaque côté) auxquels on peut attribuer soit le LFE, soit le bass management des canaux discrets.


Autant dire tout de suite que l’Anthem est totalement incapable de gérer seul une telle salle : pas de filtrage actif, pas assez de canaux disponibles et pas assez de capacités de bass management. Sans compter que son système de calibration est des plus fermés et a la réputation non usurpée de tasser sensiblement la dynamique. C’est pour ces raisons qu’on lui a adjoint, au prix d’un câblage complexe un peu pénible il faut bien l’admettre, un DSP Yamaha 64 canaux. Ici tout est en manuel et les possibilités sont infinies puisqu’on crée une configuration de zéro, avec tous les éléments disponibles (mixeurs, égaliseurs, filtres…).  Mais peut-on arriver au niveau du Dirac avec une calibration totalement manuelle ? De plus, ce DSP ne propose pas de correction de phase.


Forces et faiblesses préjugées VS réelles

Outre la différence évidente de temps et de praticité que propose le Storm par rapport à une configuration totalement manuelle intégrant un DSP, on attendait surtout des différences sur la qualité de la calibration, de la gestion des effets et du bass management.





On a réalisé 2 sessions de réglages pour évaluer ces différences, sachant que le système Anthem + DSP était en place depuis un moment et déjà réglé finement. Autant dire de suite que les différences ont été bien plus subtiles que le test précédent.


Tout d’abord, notre premier test a été le remplacement pur et simple de l'équipement actuel en reproduisant globalement les mêmes paramètres. Au lieu d'avoir une calibration totalement manuelle, ce sera donc DIRAC Live + retouches manuelles. Pour le reste : choix de bass management, distribution des graves et des surrounds, on a vraiment recopié ce qui était en place*.

La correction de phase proposée par Dirac est très performante, c’est un fait, vérifié à la mesure sans problème. A l’écoute, cela donne en général une meilleure spatialisation et une justesse des timbres supérieure. Mais dans une salle dédiée, présentant un écran devant les enceintes, une réverbération contrôlée et si les enceintes sont bien conçues, cela ne creuse pas tant l’écart : au final il a été difficile de différencier les 2 configurations sur ce point, ceci pour 3 personnes présentes lors des écoutes et familiarisées avec ce type de comparaison. Un néophyte n’y aurait vu que du feu. Une oreille exercée peut quand même noter un meilleur détachement des plans sonores avec le Storm, principalement sur la scène avant.


Sur certains extraits, les voix (surtout gérées par la centrale) présentaient plus de clarté sur l’Anthem, mais un peu criardes à fort volume, le rendu global étant plus doux et plus confortable sur le Storm. Par rapport à l’exploitation des formats sonores, les effets venant du plafond sont beaucoup plus présents avec le Storm malgré un niveau sonore calibré identique et sur toute la bande de fréquences. C’est assez étonnant et montre bien une différence de décodage. Le Dolby Atmos profite donc nettement de cet avantage. Normalement ça ne change pas grand-chose pour les formats émulés comme le DTS Neural X. Il nous a semblé de prime abord obtenir une meilleure homogénéité entre le champ surround et la scène avant, mais après le retour à l’Anthem, ce n’est pas si flagrant.


Au niveau du grave, selon les extraits il est plus articulé et plus propre avec le Storm, mais donne un peu moins d’impact que sur l’Anthem. La courbe de la calibration étant un peu différente entre les 2 malgré les retouches manuelles du Dirac, c’est à priori à elle qu’il faut imputer cette différence. Il aurait fallu refaire une dernière courbe pour en avoir la certitude.


Comparaison de la réponse en fréquences des LCR entre Dirac et full manuel

*A noter que pour l’optimisation du champ surround entre les positions d’écoute, on a l’impossibilité avec le Storm de distribuer à notre guise une partie des sons des canaux surround discrets sur les différentes enceintes présentes dans la salle, contrairement au setup full manuel. Mais comme avec le Goldmund, cette différence pourtant parfaitement mesurable n’a pas creusé l’écart à l’écoute. Dans des cas plus particuliers elle aurait pu.


Pour la seconde session, on a refait une calibration Dirac, mais cette fois ART, donc avec son propre bass management qui remplace celui manuel choisi précédemment.

 

Dirac ART sur le StormAudio, tests et comparaison avec et sans ART

Le ART est la dernière avancée du procédé de calibration Dirac et propose de corriger les problèmes de la salle d’écoute dans le grave en exploitant ce qu’ils appellent des « groupes support » pour chaque enceinte. En gros, une ou plusieurs enceintes corrigent les problèmes générés dans la salle par l’enceinte maîtresse. Le rôle de chaque enceinte dans certains passages de films sera donc à la fois maîtresse et support. Autant dire que ça élève d’un cran l’exigence nécessaire en termes de capacité des enceintes dans le grave. Heureusement, on peut choisir d’attribuer ou non chaque enceinte, le degré de support ainsi que les fréquences utiles en fonction de ses capacités. Ici, c’était l’occasion de vérifier le discours marketing par un test avec mesures à l’appui dans une salle globalement bonne.

A priori les différences ne concernent que le grave, mais tout audiophile averti sait que pour améliorer le médium/aigu, il faut régler le grave. Est-ce que cet adage se vérifie ici ?


En tout cas sur les mesures, l'apport du ART dans la propreté du grave est quand même assez conséquent. Ci-dessous vous pouvez voir différentes captures des mesures, sans Dirac, avec le Live puis le ART.


Comparaison du decay du LFE avec calibration manuel et DiracT


Comparaisons centrale Dirac ART et normal plus autres mesures


Que ce soit sur l’enceinte centrale ou le canal LFE, une légère résonance restante à 80Hz a été éliminée (pour une raison inconnue la centrale n’a pas été bien réglée avec la calibration ART contrairement au Dirac Live, j'ai donc dû la retoucher manuellement après en multipoints). La phase du bas du spectre est juste hallucinante de propreté !...

Le Decay est aussi nettement amélioré, l’extinction est tellement brutale entre 40 et 100Hz que je me demande si ce n'est pas trop par rapport au médium… sans doute on pourrait équilibrer cela en jouant sur le niveau de support, en tout cas attention ici à l’équilibre de la réverbération de la salle, une salle qui présente une trop longue durée dans le bas médium (200-300Hz) pourrait avoir un résultat clairement mauvais. Je remarque par contre (comme dans une autre salle que j'avais réglée), que sous 25Hz l’extinction est un peu plus longue avec le ART. C’est assez surprenant, mais d’après le retour que j’en ai eu, la gestion des très basses fréquences (<25Hz) n’est pas encore optimale.

Enfin j'ai ajouté une mesure du LFE aux 4 places principales d'écoute pour voir s'il n'y avait pas sur-correction à une place par rapport aux autres : la salle étant bien traitée elles sont quasi identiques. Le Waterfall, quant à lui, est juste une autre vision du Decay. On remarque que la correction Dirac atténue même les résonances et ne joue pas que sur la réponse en fréquences (toutefois il y avait un peu de bruit de fond dans la salle parfois, généré par la maison ou le voisinage, pas forcément audible mais capté par le micro).


Au niveau des écoutes, ce qui est assez évident c’est la réduction de certaines « vibrations » lors des extraits chargés en grave. Que ce soit sur la démo Dolby Atmos avec le tonnerre ou la course de Ready Player One, le grave est un peu plus propre et un peu plus puissant mais... pas forcément plus naturel. En effet, après retour sur l’Anthem, sur John Wick 4, l’impact paru plus agréable aux spectateurs qu’avec le ART.

La grosse différence se fait sur les concerts : le grave devient plus « LIVE », on peut presque le sentir traverser la salle comme si on était en champ libre. La scène sonore est aussi mieux gérée, sur Hotel California en DTS, la percussion de la grosse caisse produit un ensemble de fréquences plus riche, et on la ressent plus haute physiquement sur la scène avant. Pareil sur le concert de Ayo, la basse (l'instrument) est plus réaliste, très LIVE. La scène avant est également plus ample, plus ouverte et plus précise par rapport à l’Anthem. Dans les films, il est plus difficile de s’en rendre compte. La percussion des tirs dans Dunkerque est supérieure avec le ART mais comme déjà dit cette « sècheresse » peut parfois paraître moins naturelle. Le mariage du traitement acoustique de la salle et des réglages a encore ici toute son importance.


A noter que les caissons latéraux sont sollicités en permanence, ils sont plus présents quand il faut et doivent aussi gérer le support, donc beaucoup de travail pour eux en Dirac ART. Il serait intéressant de refaire un réglage de l'Anthem avec plus de présence des caissons latéraux, qui ne géraient pas le LFE jusqu'à présent.



Conclusion


Au final... difficile de conclure. Autant le premier test se concluait de lui-même, autant le Storm est indiscutablement supérieur au niveau des mesures avec le ART, à l’écoute sur la musicalité oui il apporte une plus value non négligeable qui est difficile à oublier une fois qu'on y a gouté, mais sur les films sans passages musicaux c’est moins flagrant, surtout sans le ART. Dans une salle bien traitée l'apport sur le grave est un plus également mais demande à progresser sur l'infra. Bien entendu on aurait sans doute un meilleure résultat si l'installation avait été pensée pour le ART au départ, mais il n'existait pas. Le combo Anthem + DSP s’en sort très honorablement à ma grande surprise car ce DSP n'est pas de première jeunesse. Je laisse donc au lecteur le soin de se faire son opinion selon ses propres choix et ses attentes.



PS : tous nos remerciements à l'équipe de StormAudio qui nous a prêté le matériel et nous a guidé autant qu'ils le pouvaient. On a hâte de pouvoir tester d'autres configurations...

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