Nous voici pour un autre test de vidéoprojecteur avec le Sony Bravia 8, autrement référencé xw6100es, qui vient probablement remplacer le xw7000es. L’appareil, prêté par Sony, merci à Antoine et Maxime, n’a que 7 heures au compteur lorsque je le reçois.
On passe rapidement sur la présentation, que vous retrouverez dans bon nombre de reviews, car je sais que vous attendez principalement mon avis, le plus objectif possible, sur ce spécimen de la gamme des plus performants projecteurs actuels.
La majeure partie du test sera réalisée dans ma salle personnelle qui réunit des conditions peu courantes pour un tel projecteur, la conclusion se déroulera après l'avoir également vu dans des conditions plus adaptées. L’intérêt de ce test consiste à le confronter à mes habitudes d’utilisation et à vivre suffisamment longtemps avec pour avoir une opinion qui n’est pas juste celle basée sur une analyse de mires et le visionnage de quelques extraits.
L’installation s’est faite assez simplement en arrière de la position d’écoute, projecteur posé sur un meuble, légèrement décalé sur la gauche de l’image. La première surprise a été d’arriver en butée du lens shift, alors qu’il est posé face au bas de l’écran. Le mode table basse n’est vraiment pas pour ce type de projecteur, mais ce n’est pas grave, ce n’est pas leur usage de destination. En fond de salle, positionné en hauteur, pas de problème.
L’image est projetée sur un écran de 2.20m de base avec une surface peinte multicouche à la texture très fine, d’un gris perlé à gain négatif proche de 0.9 et extrêmement mat, fixé sur cadre bois visible. L’environnement est semi-dédié avec 2 traitements des premières réflexions en tissu noir.
Netteté, mise au point, convergences
La mise au point s’est faite facilement, il est vrai que sur une petite base c’est généralement plus simple, mais malgré le lens shift utilisé au maximum, l’image est nette partout ce qui est un très bon point. Les convergences ont eu besoin de très peu de retouche les premières heures (7 à la réception), mais davantage 40 heures après alors attention (voir photos du diaporama ci-dessous, les images sont zoomées pour voir la correction des convergences sur les contours, puis la mire 1pixel 1080p suivante en plein format montre pas mal de dérives de couleurs dues aux corrections des convergences sur les zones les plus fines, mais ça ne génère pas vraiment de problème sur une image de film). La netteté n’a pas vraiment bougé après 40 heures, donc là aussi c’est un bon point. Encore une fois un rodage est nécessaire, même avec un laser.
Le seul point faible qu’on peut noter dans ce positionnement est une légère différence de température couleur en bas de l’image, mais qui ne doit pas excéder delta 2. Il sera donc préférable, comme toujours, d’éviter d’arriver au maximum du lens shift.
A noter également que dans cette configuration, le speckle provoqué par le laser est clairement visible, sur toutes les surfaces unies et quel que soit la couleur, ou presque. Non pas qu’il soit spécialement gênant, on voit juste une brillance sur l’écran qui n’existe pas avec un projecteur à lampe, la surface de mon écran ayant une matité bien supérieure aux toiles PVC. Je n’ai pas réussi à le photographier par contre.
La source utilisée pour cette première partie est d’abord le PCHC avec la Config Kaz et madVR.
Première remarque :
Il subsistait un halo lumineux (résiduelle de noir) autour de l’image sur mon exemplaire, comme sur un xw7000 que j'avais observé l'an dernier en salle de vie (mais peut-être un peu moins fort). En tout cas attention à ceux qui vont projeter sur un écran avec un mur blanc derrière celui-ci, ce défaut peut être clairement visible. Je ne sais pas si c'est un problème qui arrive souvent ? En utilisant le contrôle dynamique, on réduit un peu le phénomène, mais ce ne sera pas dans toutes les scènes.
Calibration SDR
Comme depuis pas mal de temps, la calibration SDR est simple à réaliser car l’espace de couleur rec709 est complet et l’on dispose de tous les outils nécessaires* dans le projecteur pour régler le gamma, la température couleur et les 6 couleurs principales (*en tout cas en utilisant le logiciel Sony pour les professionnels).
Ici compte tenu de la taille de l’écran, je n’utiliserai pas vraiment le projecteur en SDR car au minimum de la puissance du laser, j’obtenais déjà 90 nits, soit bien plus que la norme SDR (48 à 60nits max). Certains aimeraient quand même une image aussi lumineuse, personnellement je trouve le rendu pas vraiment cinéma, sans parler de défauts comme une remontée de détails qu’on n’est pas censé voir, ainsi que la luminosité excessive qui rend l’image agressive et des scènes de nuit qui semblent éclairées au flash… bien entendu sur une base plus grande il n’y aura plus aucun problème. Je conseillerais, d’après le calcul, un minimum de 2.70m de base avec un écran gain 1.0 pour ce projecteur.
Calcul lumens = environ 825 lumens au minimum du laser
Contraste natif = 11200:1 maxi mesuré dans les conditions de zoom du test
Deuxième remarque :
L’écart entre les mires 10% et 100% de surface est relativement important, avec delta E = 4 sur le blanc et 15% de luminosité en plus sur la mire 10% (90 > 103 nits)
Calibration HDR avec madVR
Dans les prérequis généraux du HDR concernant madVR, on lit souvent qu’il faut calibrer le projecteur en SDR avec un gamma 2.4 et un espace de couleur le plus large possible par rapport au projecteur, idéalement en entrant les coordonnées de celui-ci dans madVR pour ajuster le tone mapping, puis activer ce dernier en entrant différents paramètres correspondant à la luminosité réelle mesurée face écran. En réalité, il faut faire attention, car madVR intègre bien d’autres paramètres qui vont influencer le rendu de l’image une fois le tone mapping activé et il faut s’assurer que la courbe de luminosité cible soit respectée, de même que la justesse des couleurs.
C’est donc en partant du SDR précédemment réglé que j’ai retouché le gamma et les saturations couleurs. Vous pouvez voir ci-dessous l'apport non négligeable sur la justesse des gris dans les lumières sombres et le gain de boost dans les hautes lumières à 60% de blanc.
Quant au tone mapping, je l’ai réglé comme d’habitude sur mes projecteurs et les PCHC que j’installe de temps en temps dans des salles dédiées : même courbe HSTM, mêmes paramètres dynamic clipping et target nits, en utilisant la version bêta de madVR incluse dans la Config Kaz, ceci afin d’avoir une base de comparaison stable. On pourrait aller un peu plus loin avec la dernière bêta sur la finesse du tone mapping dans les couleurs extrêmes mais la différence est vraiment ténue (et c'est un autre débat).
Rendu visuel
Sans grande surprise étant donné les tests effectués durant la calibration, le résultat est très bon. Le contraste intra-image est important, la résiduelle de noir est faible malgré les 103 nits de pic, ce qui rend l’image très dynamique. La netteté est bonne, parfois l’image est au scalpel mais elle sait aussi rester douce quand il faut. Le Reality Creation est utilisé à 20% en cumul d’un peu de sharpness dans madVR.
Au départ, je trouvais les noirs un peu bouchés malgré des mires de voisinage de noir correctes. Il a fallu que j’édite le fichier de gamma 64 points pour arriver à les déboucher : et là je n’ai plus jamais rencontré de problème, avec du détail toutes scènes confondues, en maintenant la profondeur des noirs et sans aucune remontée d’artéfacts ou défaut de compression.
Au contraire, les blancs sont immédiatement bien détaillés, tout en étant très pêchus et avec une teinte respectée, le seul bémol venant de micro détails de lumière pas aussi éclatant qu’on aurait pensé avec 103 nits (particules blanches volant sur fond noir par exemple). Pourtant toutes les brillances des matières sont bien là, avec un bon réalisme des textures. Peut-être est-ce moi qui avais trop d’attente sur ce point, par mémoire du rendu des OLED. Mais sur une petite base comme celle du test, le rendu est vraiment impressionnant et peut rivaliser avec les TV récentes (certes moins chères pour 95’’)…
Les couleurs sont denses et éclatantes, les peaux très naturelles. J’ai tout de même remarqué quelques franges de couleurs dans le sable de Furiosa, mais je ne saurais dire si c’est inclus dans la vidéo originale.
Au niveau de l’équilibre de la luminosité, cela dépend fortement des films et cela nous ramène au problème du passage dans le studio de montage vidéo, avec des films très équilibrés et réalistes (Civil War, Army of Thieves), avec des scènes sombres convaincantes (Haunted in Venice, Alien Romulus), et d’autres, heureusement moins nombreux, avec une luminosité globale trop forte (Get Out par exemple) qui ne parait pas appropriée.
Troisième remarque :
La fatigue oculaire semble peu intéresser tous les testeurs que j’ai pu lire, pourtant ce paramètre me semble important dans un environnement envahi par les écrans. Pour avoir vécu 15 jours avec ce projecteur, je confirme que le mono-laser fatigue plus les yeux qu’un projecteur à lampe UHP (même de type DLP), probablement à cause du pic de lumière bleue cumulé à la forte luminosité dans le noir complet (2x plus de lumière) et ce malgré la très bonne lisibilité de l’image (car trop peu de netteté et luminosité fatigue aussi les yeux qui « forcent » pour déchiffrer l’image). A titre de comparaison, 2 heures de film paraissait équivalent à environ 4 heures d’écran LED gamer en environnement contrôlé (lumière d’ambiance + calibration D65).
Calibration HDR et Tone Mapping Sony
En passant directement par le lecteur sans utiliser madVR, on active donc le HDR du Sony et son traitement interne. Dans un premier temps, j’ai fait la calibration sans activer le nouveau Tone Mapping qui se décline selon 3 modes différents.
Le gros point positif de cette nouvelle génération de Sony vient de la possibilité de choisir une correction de gamma pour le HDR. Donc, de pouvoir corriger les RVB en multipoint (jusqu’à 64) avec le logiciel professionnel réservé aux calibreurs, de la même façon qu'on l'a fait en SDR. Sans cette correction c’était déjà correct, mais avec on frôle la perfection. Encore une fois son apport est indéniable sur les basses lumières, qui sont souvent un peu farfelues avec seulement un réglage d’offset et de gain.
Un premier test rapide montre une belle dynamique d’image et un bon équilibre des couleurs, mais les scènes très claires (ex Aquaman) montrent des blancs brûlés. On active alors le tone mapping et là tout rentre dans l’ordre, sans dominante de couleur au voisinage du blanc. Par contre l’image est un peu plus sombre, aussi j’entreprends une nouvelle calibration une fois satisfait de la meilleure combinaison de réglages (voir photos ci-dessous). Le résultat est vraiment très bon sur les hautes lumières, sans dérive de couleur.
A noter que toutes les photos sont faites avec un appareil Sony Alpha 7 en manuel avec strictement les mêmes réglages d'exposition (ISO125, 1/25 d'ouverture sur les images claires et 0.8" sur les images sombres, traitement RAW brut sans retouche).
Comparaison avec le tone mapping de madVR sur PC
Sur les hautes lumières, par rapport à la version de madVR que j’utilise, franchement le Sony fait un super travail. Il est même plus neutre niveau colorimétrie sur certains détails, avec madVR sur certaines zones il reste une petite teinte rosée qui apparait parfois, avec le Sony pas du tout. C’est bien détaillé, lisible et sans dominante de couleur. Au niveau de la lisibilité des noirs, ils sont bien là, un peu moins que sur le PC mais c’est déjà bien. Par contre au niveau de l’éclairage des scènes sombre, là le PC prend clairement l’avantage. Il faudra vraiment pousser les lumens avec le Sony pour avoir des scènes sombres bien lisibles, et c’est même étonnant car les mesures sont très proches entre les 2 machines. Bien sûr j’aurai pu pousser un peu la courbe EOTF dans les basses lumières pour compenser, mais l’écart vient surtout de la gestion de la lumière qui est différente avec madVR car l'écart est quand même conséquent. J'ai même fait le test plusieurs fois pour être vraiment sûr, et avec différentes scènes (voir photos ci-dessous).
La fluidité
Concernant la fluidité du Bravia 8, elle n’a pas posé de problème, calé sur 48Hz avec le PC et sans motionflow, l’image est déjà fluide et nette même dans les mouvements, et même pour les jeux-vidéo. J’ai testé en particulier les travellings verticaux (I am Legend) et horizontaux (Oblivion). Et sur la dizaine de films que j’ai passés, à aucun moment je n’ai noté de gêne quelconque.
Avec le lecteur, il en est de même en 24Hz avec des travellings dans Dark Knight vraiment très fluides, à tel point que je me suis demandé si le Motionflow était activé : non, non, c’est bien le 23.976 d’origine. En l’activant en mode bas, l’image devient encore plus fluide, un peu trop diront certains avec toujours quelques problèmes de gestion dans les objets fin en mouvements (dessin du cirque sur le camion de Dark Knight, avec les poteaux qui défilent en avant plan, voir vidéo ci-dessous).
Conclusion
Sceptique au début concernant l'utilisation d'un tel projecteur sur une petite base, j'ai été agréablement surpris : le résultat était exceptionnel. Bien mieux que sur de (trop) grandes bases, à vrai dire. Et le silence de fonctionnement, dont je n'ai pas parlé mais qui est remarquable, est aussi très agréable. Le seul bémol, dans mon utilisation avec le PCHC, venait de ce halo de résiduelle du noir qui subsiste autour du l'image, qui sera heureusement invisible dans une salle avec un mur avant en tissu noir derrière l'écran et possiblement absent sur d'autres exemplaires.
Au niveau de la gestion HDR, quel progrès par rapport aux générations précédentes ! Même s'il est vrai que les noirs pourraient être un peu plus détaillés - ceci étant dû à un choix du constructeur sur sa gestion dynamique du HDR pour augmenter le contraste visuel, le résultat est quand même très satisfaisant. Et pour avoir vraiment mieux sur les scènes sombres, il faudra passer sur madVR, mais uniquement si la base d'écran est grande et qu'on ne peut pas pousser les nits à un niveau suffisant.
Concernant le piqué et la propreté de l'image, une fois le projecteur réglé pas de soucis (contrairement à la démo du PAVS dont l'image ressortait bruitée), et au niveau du contraste natif et des noirs c'est également très bien (contrairement à ce que montrait cette même démo).
Comme il m'était difficile de conclure ce test sans avoir d'élément de comparaison dans la même salle, j'ai attendu de pouvoir calibrer le Bravia 9, son grand frère, face à un JVC NZ900 également calibré par mes soins, en environnement dédié (chez HomeCineSolutions). Et bien, sur le contraste intra-image, le piqué, la luminosité, la gestion des hautes lumières, on est vraiment proche entre les 2 projecteurs. Le JVC prend l'avantage sur le contraste natif dans les scènes très sombres, sur le détail dans les noirs, ainsi que sur les convergences (chance de l'exemplaire ?) et, possiblement, la netteté mais à condition d'y aller mollo sur le sharpness (JVC a vraiment exagéré ses algos). Le Sony prend l'avantage sur la justesse des couleurs et de la température du blanc (merci au gamma corrigeable en 64 points), la fluidité et le niveau de bruit. Ex-eaquo concernant la luminosité, le tone mapping dans les scènes claires et le contraste intra-image.
Vraiment un match de haute volée, avec des projecteurs qui vont très très loin cette année et ça fait plaisir !
Kaz
Encore merci à Antoine de Sony pour le prêt, ainsi que Maxime et HomeCineSolutions pour leur confiance.
Comments